Foire aux questions : L’avortement en France

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L’actualité électorale en France ou aux États-Unis a remis la question de l’avortement sur le devant de la scène. Outre-Atlantique, le sujet était celui de son interdiction ; en France, l’un des candidats à la primaire de l’UMP et du centre-droit accuse son rival d’être opposé à l’avortement, ce à quoi ce dernier répond qu’il n’impose pas ses convictions. Le Gouvernement français a décidé de prendre des mesures législatives pour contrer les sites Internet proposant une information alternative sur l’avortement. Retour sous forme de foire aux questions sur l’essentiel de la pratique en France.

Historique

L’avortement existe depuis l’Antiquité romaine et égyptienne. Il a été pénalisé en France jusqu’en 1974, et la loi Veil. On estime qu’il y avait au moins 250 000 avortements clandestins dans le pays, se déroulant dans des conditions sanitaires parfois désastreuses. Ministre de la Santé d’un Gouvernement de droite dirigé par Jacques Chirac, Simone Veil dépose un projet de loi visant à dépénaliser sous condition l’avortement, mentionnant la nécessaire situation de détresse de la femme. La majorité de la droite parlementaire s’y oppose, mais l’association de la gauche parlementaire et de ceux des élus de droite qui y sont favorables permet de dégager suffisamment de votes pour que soit adopté le texte.

Le vote de cette loi se situe dans un contexte de forte médiatisation des partisans de l’avortement. En 1971, paraissait un Manifeste des 343 signé par des femmes célèbres déclarant avoir avorté et faire partie du million de femmes annuellement dans la même situation.

IVG, IMG, avortement : quelles différences ?

L’avortement est le nom commun désignant l’interruption de grossesse qu’elle soit volontaire (IVG) ou médicale (IMG), ainsi que la perte spontanée de l’enfant à naître. La qualification d’Interruption est évidemment nominaliste et non factuelle, puisqu’il s’agit d’un arrêt de la grossesse.

L’avortement spontané, ou fausse couche, est le décès ou l’expulsion d’un embryon ou d’un fœtus qui se produit jusqu’au cinquième mois. Au-delà, de la vingtième semaine, le décès de l’enfant à naître est qualifié de « mort fœtale in utero« .

L’avortement provoqué désigne l’IVG et l’IMG, lesquelles sont deux opérations volontaires, puisque le consentement de la femme enceinte est prévu. La distinction se fait au niveau des motifs, l’IMG concernant les interventions pour raison médicale (risque pour la santé de la mère, choix de ne pas garder un enfant qui naîtrait handicapé), mais également au niveau du délai puisque si l’IVG peut être pratiquée jusqu’à la douzième semaine de grossesse, l’IMG peut l’être jusqu’au dernier jour.

Embryon, fœtus : quelle différence face à l’IVG ?

Tout d’abord, pour savoir si l’enfant à naître est un embryon ou un fœtus, il faut déterminer son âge, et la méthode de calcul a son importance.

L’âge de l’embryon et du fœtus se détermine de deux façons : c’est le nombre de semaines de grossesse qui est généralement mis en avant, tandis que les médecins préfèrent s’exprimer en semaines d’aménorrhée. La distinction a son importance pour le délai légal dans le cadre de l’IVG.

Lorsque c’est le nombre de semaines de grossesse qui est pris en compte, le jour de fécondation est considéré comme celui du départ de la période gravidique. Il n’est pas très fiable et peu varier de presque une semaine, car la période d’ovulation va de 1 à 5 jours et que la date du rapport sexuel n’est pas toujours sue.

Les médecins ont choisi de retenir le nombre de semaines d’aménorrhée, et comptent à partir de la date des dernières règles, plus facile à déterminer que la date de fécondation. Ce jour se situe à peu près 14 jours avant la fécondation, d’où une différence de deux semaines dans le délai maximal pour le recours à l’IVG, selon que l’on compte en semaines de grossesse ou d’aménorrhée.

La distinction calendaire entre l’embryon et le fœtus se fait à partir de 8 semaines de grossesse, donc 10 d’aménorrhée. Vers ce moment, la forme humaine se définit, les principaux organes et tissus sont formés, c’est donc la fin de l’organogenèse ; et c’est le terme de fœtus qui est alors retenu pour qualifier l’enfant à naître. Son sexe n’est pas encore déterminable par échographie et ne le sera qu’entre la douzième et la quatorzième semaine d’aménorrhée, soit entre la dixième et la douzième semaine de grossesse.

Légalement, l’IVG est autorisée jusqu’à 12 semaines de grossesse ou 14 semaines d’aménorrhée, de l’embryogenèse aux débuts du fœtus dont le sexe est déjà connu. La loi autorise donc sa pratique aussi bien sur des embryons que sur des fœtus.

Qui peut pratiquer un avortement ?

L’avortement est un acte médical - même s’il ne s’agit pas d’un soin -, c’est-à-dire requérant l’intervention de médecins, soit pour l’IVG médicamenteuse soit par IVG chirurgicale. Depuis le 6 juin 2016, les sages-femmes sont autorisées à prescrire une IVG médicamenteuse, suite à un décret du 2 juin d’application de la loi Santé du 26 janvier 2016.

Dans les faits, la femme peut recourir à la pilule du lendemain, présentée comme une contraception d’urgence, mais dont l’un des effets n’est pas contraceptif, mais abortif :

  • elle peut bloquer l’ovulation qui, quand elle a lieu dans les deux ou trois jours suivant le rapport, peut aboutir à une grossesse ;
  • elle peut empêcher le passage des spermatozoïdes en épaississant la glaire cervicale qui facilite le cheminement des spermatozoïdes depuis le vagin jusqu’à l’utérus, puis les trompes.
  • Mais il y a un effet abortif si la pilule du lendemain empêcher la nidation de l’embryon dans l’utérus.

Quelles sont les techniques d’IVG et d’IMG ?

Dans le cadre d’une technique invasive, l’hospitalisation d’une candidate à une IVG ou une IMG dure environ une heure, l’opération une dizaine de minutes. La femme est anesthésie et son col dilaté pour que le médecin introduise dans l’utérus un petit tube appelé canule, de 4 à 12 millimètres selon le nombre de semaines, relié à un aspirateur. L’embryon ou le fœtus est supprimé.

Dans le cadre de la technique chimique, la femme reçoit deux médicaments, le premier, la mifépristone plus communément appelée RU 486, est pris sous l’œil du médecin ou d’une infirmière ; il bloque l’action de la progestérone, laquelle est nécessaire pour continuer la grossesse. Le deuxième, le misoprostol, peut être absorbé par la femme chez elle si la grossesse dure au plus depuis 5 semaines, ou doit être pris sous surveillance médicale au-delà pour que la femme soit prise en charge lors des saignements et douleurs pelviennes.

Quel est le délai de réflexion ?

Le délai était de 7 jours - moins même si  la période légale restant pour recourir à l’IVG était inférieure à la semaine - jusqu’à la loi de Santé du 26 janvier 2016 qui n’en prévoit plus.

Quel est le statut du père de l’enfant à naître ?

Le Conseil d’État a statué en 1980 que l’interprétation de la loi Veil ne prévoit pas de droit pour le père de s’opposer à l’avortement. C’est la jurisprudence Lahache du 31 octobre 1980 qui estime que « si, d’après le dernier alinéa de l’article L.162-4, chaque fois que cela est possible, le couple participe à la consultation et à la décision à prendre, il ressort de ce texte éclairé par les travaux préparatoires de la loi que la disposition en cause, qui présente un caractère purement facultatif, n’a ni pour objet ni pour effet de priver la femme majeure du droit d’apprécier elle-même si sa situation justifie l’interruption de la grossesse« .

Et les mineures enceintes ?

Si une mineure ne peut obtenir l’autorisation d’un parent ou de tout autre représentant légal, ou craint de ne l’avoir, elle peut s’adresser au médecin, accompagnée d’un majeur, par exemple l’un de ses professeurs.

Quel est le statut légal de l’avortement ?

La loi Veil a dépénalisé l’IVG dans certaines conditions : la femme devait être en situation de détresse. L’arrêt Lahache précité ne reconnaît pas cette condition : tout en ayant une lecture stricte de la loi Veil sur les droits du père, le Conseil d’État n’a pas considéré la lettre ou l’esprit de la loi, et rejette implicitement la notion de détresse en jugeant que, « à supposer que le requérant, mari séparé de fait de Mme Lahache, ait été disposé à lui venir en aide au cas où elle aurait eu son enfant, ni cette circonstance, ni le fait que M. Lahache n’a pas été invité à participer à la consultation et à ses suites, ne faisaient légalement obstacle à la décision, prise à la demande de Mme Lahache, de procéder à l’interruption volontaire de grossesse. »

La condition de détresse est légalement supprimée par la loi du 4 août 2014 qui dispose que dans « l’article L. 2212-1 [du Code de la santé publique], les mots : que son état place dans une situation de détresse sont remplacés par les mots : qui ne veut pas poursuivre une grossesse ».

L’exposé des motifs du projet de loi Aubry, voté en 2001, déclare que l’IVG est un droit fondamental des femmes.

La dépénalisation a été comprise comme un droit, ce qu’elle n’était juridiquement pas. La légalisation a donc suivi la dépénalisation, et signifie que l’embryon et le fœtus ne bénéficient d’aucun droit.

Concernant l’IMG, les médecins peuvent refuser s’ils estiment que le handicap ne pénalisera pas trop l’enfant. Des parents ont porté plainte contre un hôpital qui avait refusé de pratiquer l’IMG sur leur fille à naître qui n’avait pas d’avant-bras gauche. La Cour administrative d’appel de Nancy a confirmé le jugement du tribunal administratif qui avait rejeté la requête du couple.

Quid des fœtus avortés ?

En 2005, 351 fœtus ont été découverts dans une chambre mortuaire à l’hôpital Saint Vincent de Paul à Paris, causant un scandale.

L’article L1241-5 du Code de la santé publique dispose : « Des tissus ou cellules embryonnaires ou fœtaux ne peuvent être prélevés, conservés et utilisés à l’issue d’une interruption de grossesse qu’à des fins diagnostiques, thérapeutiques ou scientifiques. La femme ayant subi une interruption de grossesse donne son consentement écrit après avoir reçu une information appropriée sur les finalités d’un tel prélèvement. Cette information doit être postérieure à la décision prise par la femme d’interrompre sa grossesse. « 

Un préjudice d’être né ?

La Cour de Cassation a reconnu un préjudice d’être né, le 17 novembre 2000, c’est la jurisprudence Perruche. La mère de Nicolas Perruche n’avait pu avorter, après avoir attrapé la rubéole, et l’enfant été né lourdement handicapé. Un amendement du député Mattei à la loi Kouchner du 4 mai 2002 dispose que « nul ne peut se prévaloir du préjudice de sa naissance« , empêchant alors des parents de saisir la justice au nom de leurs enfants pour réclamer une indemnisation sur ce fondement.

Au terme de batailles judiciaires, la loi n’a pas de valeur rétroactive.

Combien d’avortements annuels en France ?

Il y a autour de 200 000 recours à l’avortement par an, selon une étude de l’INED à l’occasion des 40 ans de la loi Veil qui donne le chiffre de 210 000 pour l’année 2011.

Le rapport indique : « Un tiers des femmes (33 %) ont recours au moins une fois à l’IVG au cours de leur vie, dont 10 % deux fois et 4 % trois fois ou davantage. Avec l’augmentation de la part des IVG médicamenteuses, la durée moyenne de grossesse lors de l’IVG diminue : 6,4 semaines de grossesse en 2011, contre 7,1 en 2002. »

Hans-Søren Dag


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